La Une à la une !
Un lecteur met 5 secondes pour choisir son magazine en kiosque
Moins de 5 secondes, c’est le temps consacré aujourd’hui aux couvertures des journaux qui s’étagent en kiosque. En 2000, le regard des lecteurs acheteurs s’attardait 25 secondes devant chaque couverture, un chiffre tombé à 10 secondes en 2009. Conclusion : la une doit avoir un impact visuel puissant immédiat pour attirer l’attention du lecteur.
1. la marque
Apporter un soin particulier au graphisme de la marque (nom du journal), qui restitue les valeurs de l’entreprise éditoriale.
Marc Guillon relate la refonte graphique du premier hebdomadaire catholique français grand public, Pèlerin, à laquelle il a activement participé. Cette marque, connue pour être le journal de « ma grand-mère », cherchait à gagner un nouveau public. Comment toucher les lectrices et lecteurs plus jeunes ? Dans un premier temps, il augmente la place prise par le titre dans la page, et le met en capitales. Jean François Porchez, typographe, l’aide à trouver le logotype, qui insufflera du mouvement au titre en jouant astucieusement sur la hampe du « p » et le jambage du « r ». L’image d’un journal en mouvement, en marche, est ainsi restituée. Reste à faire évoluer la base line qui devient : « La semaine a du sens ».
2. commencez par la Une !
Commencer les réunions de rédaction par la couverture en choisissant un sujet leader qui commandera le titre, l’angle…de là découlera la hiérarchisation du journal. En construisant la couverture, on construit le chemin de fer.
3. Un bon editing : LE mariage du texte et de l'image
Créer une résonance entre le texte et l’image, en recourant de temps en temps au jeu de mots. La porte d’entrée dans le journal est d’abord émotionnelle : dans le cas d’une interview, une phrase prononcée par l’invité en titre appuiera efficacement l’image. On peut aussi incarner le propos à travers un propos en exergue ou une légende photo.
4. titres de une : chacun son rang
La hiérarchie est ce qui permet à l'utilisateur d'évaluer le contenu en fonction de son importance, c’est pourquoi il est important d’organiser les titres de une. En plus du titre principal, prévoir des titres secondaires qui témoigneront de la variété, de la richesse du contenu éditorial.
5. La typographie
La typographie et « l’objet journal » sont un vecteur de sens, elle participe à l’identité du titre. On peut imaginer une couverture sans photo pourvu que le sujet et son traitement s’y prêtent. Par exemple un hors-série paru récemment présente une couverture dépouillée qui met en valeur le sujet. La question centrale réside dans les attentes du lecteur à l’égard du titre et de sa couverture.
6. Le choix de la photo ou de l’illustration
Une image est polysémique. Attention au double sens.
Ne pas soumettre le projet de couverture à des personnes extérieures n’ayant pas participé à son élaboration. Il ne s’agit pas de consulter trente personnes d’avis différents, auquel cas la couv’ retenue correspondrait au plus petit dénominateur commun (courant le risque d’être fade, neutre). Soumise à quelques personnes du comité de rédaction, la couverture gagnera en intérêt, en efficacité. L’objectif est d’obtenir une couverture surprenante, qui interpelle le lecteur. Il doit être fier de lire son magazine. Un journal et particulièrement sa couverture contribue à la valorisation de l'estime de soi.
7. les couleurs
L’un des aspects les plus visibles d'une conception graphique. Elle facilite le mouvement des yeux et rend plus fonctionnelle la lecture. La couleur peut créer une ambiance. Les règles les plus simples sont graphiquement les plus opérantes, par exemple le contraste des couleurs (clair/foncé, couleurs complémentaires, etc.).
8. Faire passer des emotions
La photo choisie pour la Une présentera de préférence des visages en plan rapproché qui expriment et suscitent une émotion.
9. Entrez dans l'image et Travailler les contrastes
La lisibilité est fondamentale. Un texte clair sur un arrière-plan sombre et une accroche textuelle sombre sur une partie de photo à dominance claire. Créer de la profondeur en jouant avec la photo : le titre principal peut dissimuler ou dévoiler certains éléments.
10. osez surprendre
« Casser » la une, surprendre. De temps à autre, oser bouleverser l’ordonnance habituelle de la couverture permet d’intriguer le lecteur, de susciter sa curiosité.
Au cours de son exposé, Marc Guillon a mis l’accent sur la lisibilité du visuel, qui ne doit pas décourager le lecteur en offrant une multitude de détails à décoder, ni verser dans l’esthétisme désincarné façon photos de paysage, trop nombreuses en couverture de nos parutions. Il a également pointé, passant en revue quelques titres de la presse paroissiale, les mauvais réflexes en matière de titres : phrases plates (« La nature en beauté »), propos incantatoire (« Rendre service ! ») ou bien édifiant (« L’homme se construit chaque jour »), abscons (« Pâques : La vie renaît »), etc. Il souligne l'importance d'incarner la tension locale dans nos journaux (ex : mettre en scène son patrimoine architectural et les acteurs locaux).
Enfin, le directeur artistique rappelle à toutes fins utiles qu’on écrit pour être lu, aussi l’actualité du lecteur prime parfois celle du rédacteur. Les rédacteurs doivent être des acteurs du débat, "imposer" des questions avec pour objectif : s'adressez au grand public et non à une minorité. Voilà qui devrait trancher quelques différends en équipe de rédaction !
par Béatrice Collier